SOS Fuites d’eau ! Le dunkerquois pas trop mauvais élève
Avant même d’arriver dans nos robinets, environ 20 % de notre eau potable s’est volatilisée.
Sur l’ensemble de la France, 1 litre sur 5 distribué est perdu du fait des fuites de réseaux. Ces fuites considérables sont à imputer à la vétusté de notre réseau de canalisations. La rénovation de notre réseau d’eau est une priorité.
Étude menée par l’UFC-Que Choisir
L’UFC-Que Choisir a étudié le niveau des pertes d’eau potable en France et les mesures prises pour y remédier. Les thèmes suivants ont été traités :
- Les niveaux de fuites selon les zones géographique et la taille des collectivités
- Les risques de fuites en lien avec les matériaux et l’âge des canalisations
- Le rythme de renouvellement des réseaux âgés ou détériorés
- Les dispositifs incitatifs ou d’aide aux collectivités pour lutter contre les fuites
- La comparaison entre les budgets nécessaires pour lutter efficacement contre les fuites et les montants disponibles au niveau national
Une urgence à agir
L’eau est une ressource précieuse. Elle doit être plus que jamais économisée alors que notre climat change à un rythme accéléré.
2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. La sécheresse historique de l’été dernier a marqué un tournant : la quasi-totalité des départements français a été touchée par des mesures de restriction et 700 communes ont connu des difficultés d’approvisionnement en eau potable.
Clic = Agrandir Carte sécheresse été 2023.
De telles sécheresses seront inéluctablement amenées à se multiplier avec la diminution des précipitations prévues pour les prochaines décennies.
Les climatologues et les hydrologues indiquent que la recharge des nappes phréatiques devrait baisser en moyenne de 10 % à 25 %[1].
Les débits moyens des fleuves pourrait être réduits de 10 % à 40 % sur l’ensemble de l’année. Quant aux débits estivaux, ils pourraient être réduits de 30 % à 60 %.
Pourtant, le dérèglement climatique n’est pas l’unique cause de la pénurie d’eau en France. La première cause est bien sûr la surconsommation due à l’irrigation de cultures intensives gourmandes en eau telles que le maïs. Mais le problème est également aggravé par les infrastructures : les fuites de réseaux de distribution d’eau vieillissants et mal entretenus sont considérables.
Un sous investissement historique
En effet, notre réseau est vieillissant. Les canalisations aux matériaux fragiles (fonte grise, PVC collé, amiante-ciment) représentent plus de la moitié (55 %) du réseau français et une grande partie d’entre elles a déjà dépassé l’âge où elles auraient dû être remplacées.
En 2019 les Assises de l’Eau ont fixé l’objectif de renouveler 1 % du réseau national par an.
Or, chaque année, nous ne remplaçons que 0,67 % du parc. Sans un investissement massif, il faudrait 150 ans pour le renouveler entièrement. Les récentes annonces d’Emmanuel Macron sont « une goutte d’eau » : 180 millions d’euros d’aide par an (Plan Eau mars 2023) alors qu’il en faudrait entre 2,5 et 3 milliards !
Clic = Agrandir les communes identifiées prioritaires par le plan Eau
Méconnaissance de l’état du réseau
Depuis la Loi Grenelle 2 (2012), les Collectivités ont l’obligation de publier leurs données sur les niveaux de fuite et de remplacement de leurs canalisations d’eau potable. Or près d’une commune sur 2 ne remplit pas ces obligations, souvent par manque de moyens. Cette méconnaissance du réseau est à l’origine d’un gaspillage monumental.
De plus, avec la suppression totale en 2016 de l’aide en matière d’ingénierie apportée par les services de l’Etat (connaissance de l’état des réseaux, programmation des travaux, maîtrise d’ouvrage…), les communes sont désormais seules responsables de l’entretien des réseaux. Si les grandes et moyennes collectivités peuvent être en capacité de mobiliser les moyens humains et financiers pour assurer la gestion de leur réseau, tel n’est pas le cas des plus petites communes qui ont les plus grandes difficultés à connaître l’état de leur réseau ou à financer sa rénovation.
Qu’en est-il dans le Nord et sur le territoire dunkerquois ?
Le Nord est en niveau d’alerte depuis le 20 juin 2023 pour sa partie sud est (bassin de l’Escaut et de la Sambre). Le reste du département est passé, ce même jour, en vigilance renforcée. Face au risque d’aggravation de la tension sur l’eau potable, la préfecture n’exclue pas un renforcement de l’alerte, dans les prochaines semaines.
Le territoire du Dunkerquois ne dispose d’aucune nappe phréatique sous ses pieds. Pour alimenter en eau potable Dunkerque et vingt-neuf autres communes, un bassin et une nappe, situés à 40 kms, dans l’Audomarois sont gérés de façon raisonnée (réalimentation par la rivière de la Houlle, modélisation numérique de la nappe et capteurs de suivi).
Les 1589 kilomètres de tuyaux font l’objet de travaux de réfection et de renouvellement réguliers. Chaque année, 3,8 millions d’euros sont investis pour entretenir et améliorer le réseau d’eau potable.[2]
Clic sur les indicateurs pour le Nord et Dunkerque pour agrandir.
Au-delà des travaux de gestion et d’entretien, les acteurs dunkerquois de l’eau mettent en place des systèmes innovants pour anticiper, adapter les pratiques et les usages :
- Robot de détection et sonars pour identifier les anomalies.
- Tarification éco-solidaire en place depuis plusieurs années et qui a permis de réduire la consommation d’eau (67m³ par foyer contre 80m³en moyenne en France).
- Incitation à utiliser les eaux pluviales par un soutien financier aux habitants : dispositif « Récup’eau » (récupération des eaux de pluie).
- Réseau spécifique de distribution d’eau de surface, distinct de l’eau potable, pour alimenter les grandes industries[3] (deuxième réseau de France en eaux industrielles).
- La « toile de l’eau industrielle »[4], pour identifier les synergies et construire les opportunités d’économie circulaire de l’eau industrielle.
Clic sur la carte des rendements par département pour agrandir
Malgré les systèmes innovants et des résultats encourageants, est-ce suffisant quand on sait qu’au niveau national, il faudra 150 ans au rythme actuel de financement pour renouveler le réseau ?
Demandes de l’UFC-Que Choisir
il est plus que jamais indispensable et urgent de limiter les pertes d’eau potable.
À cet effet, l’UFC-Que Choisir demande aux pouvoirs publics :
- Un renforcement des aides aux agence de l’eau et aux collectivités prioritaires en termes de raréfaction de la ressource et de fuites ;
- Une augmentation du budget des agences en faisant progresser les redevances prélèvement payées par les acteurs professionnels ;
- Un développement de l’appui technique du département aux petites communes ;
- Des objectifs plus ambitieux en termes de taux de pertes autorisés et de connaissance de l’état des réseaux par les communes.
[1] Rapport Explore 70 du Bureau de Recherches Géologiques et Minières et Rapport d’information fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective sur l’adaptation de la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050 – Sénat – Mai 2019.
[2] https://leaududunkerquois.fr/nos-actions/
[3] L’eau potable prélevée à partir de la nappe de l’Audomarois représente 14 millions de m3 et ce sont 22 millions de m3 d’eau de surface qui sont prélevés au canal de Bourbourg et orientés vers les industries.
[4] Son concepteur, Jean-François VEREECKE (économiste et directeur général adjoint de l’Agur : Agence d’urbanisme Flandre-Dunkerque. La « Toile de l’eau industrielle » a été présenté lors de la Conférence des Nations unies sur l’eau qui s’est tenue à New York en mars 2023.